Infrastructures durables gérées collectivement en Haïti

La Fondation setec accompagne, dans le cadre sa campagne annuelle 2022 autour du thème de la construction durable en Amérique Latine, le projet « Des infrastructures durables gérées collectivement » dans les marchés de Port-au-Prince (Haïti) porté par le Gret.

Le contexte

Haïti est victime d’une crise systémique qui touche tous les secteurs de la société depuis plusieurs années. De la rareté des ressources aux actes de violences récurrents, les habitants d’Haïti font face à une situation de précarité et de dangerosité qui rendent difficiles les activités du quotidien.

Parmi celles-ci, on retrouve l’alimentation et les achats de première nécessité qui en résulte. En Haïti, ces achats sont principalement réalisés dans les marchés, et les marchés de la capitale haïtienne constituent des organes économiques centraux de la vie communautaire. Ils permettent en effet aux ménages pauvres et modestes de se fournir en produits de première nécessité, et pourvoient des milliers d’emplois de proximité, majoritairement informels. Ces espaces de vente à grande échelle associent des fonctions économiques (emplois, filières de distribution de produits locaux), sociales (lieux d’échanges et de sociabilité, qui permettent aussi d’amortir les crises en intégrant les personnes les plus vulnérables de la société haïtienne), urbaines et politiques (les marchés structurent l’espace urbain de Port-au-Prince, qui est une véritable ville-marché).

Or, ces marchés à Port-au-Prince, sont, pour la plupart, dénués d’infrastructures de base permettant leur bon fonctionnement. Dans une étude de terrain réalisée par le Gret et la mairie de Port-au-Prince à propos des différents marchés de la capitale, le Gret fait état d’un manque crucial de sanitaires et de plateformes de tri des déchets au sein de ces marchés. Ils souffrent d’un déficit en infrastructures d’hygiène de base, ce qui impacte leur efficacité et la capacité des marchands – qui sont majoritairement des femmes – à travailler dans des conditions salubres.

De plus, les marchandes, qui sont au cœur du fonctionnement des marchés et de l’économie haïtienne, sont aujourd’hui en proie aux violences de bandes armées dont l’influence couvre les marchés de la capitale.  Elles subissent de leur part des pressions pour être protégées et préserver leur espace de vente, et doivent payer des « cotisations » régulièrement.

Le projet

Le projet mis en place par le Gret consiste en la construction des différentes infrastructures nécessaires au bon fonctionnement de trois marchés de la capitale (Salomon, Canapé Vert et Ravine Pintade). Trois enjeux principaux ont été identifiés au cours du diagnostic préalable. Ils se concentrent autour de l’amélioration :

– des conditions d’hygiène ;

– de la gestion des déchets ;

– du drainage des eaux usées et pluviales.

Ce projet, en visant à améliorer les conditions de travail des marchandes des trois marchés identifiés comme prioritaires, bénéficie à deux groupes de population : les groupes cibles (composés des acteurs publics concernant notamment les services de voirie et collecte de déchets, des acteurs privés et communautaires tels que les travailleurs du marché, et ceux de l’économie informelle de gestion des déchets) et les bénéficiaires finaux (les usagers du marchés, marchandes et clients qui comptabilisent au minimum 12 500 personnes).

Les activités de construction :

Au marché Salomon : la construction de deux blocs sanitaires fonctionnels (un construit et un réhabilité) et d’une zone de transit (y compris les aménagements connexes de déplacement des marchandes à proximité de la zone de transit et de drainage des eaux pluviales) ;

Au marché Canapé Vert : la réhabilitation d’un bloc sanitaire ;

Au marché Ravine Pintade : la construction d’un bloc sanitaire.

 

Travaux de réhabilitation du bloc sanitaire en cours au marché Salomon – © Gret

D’autre part, il s’agit de mobiliser les acteurs des marchés, regroupés au sein d’un cadre de concertation et de réflexion (CCR), pour co-construire les règles de fonctionnement des blocs sanitaires et de la zone de transit, les principes de gestion des services d’assainissement et de gestion des déchets, et définir les comités qui auront la charge de la gestion. Ces étapes contribuent à renforcer des habitudes de collaboration commune, de prise de décision concertée, et pourront être transposées à d’autres champs de la vie des marchés, comme celui de la réduction des violences commises par les bandes armées.

Le CCR, qui est une initiative lancée en 2021 par le Gret, est composé des différents acteurs mentionnés plus haut, ainsi que du service voirie de la mairie de Port-au-Prince. C’est un dispositif indispensable pour susciter un sentiment collectif, libérer la parole de certaines catégories d’acteurs traditionnellement exclus de ces instances, (ré)apprendre à décider ensemble de l’avenir des marchés et organiser la gestion partagée de ces espaces à grande échelle.

 

Montage du comité de gestion – Marché Canapé Vert – © Gret

La construction durable

Les infrastructures construites dans le cadre du projet prennent en compte les enjeux de construction durable techniquement (principes de construction/réhabilitation conformes aux normes parasismiques, matériaux résistants aux cyclones et aux séismes), d’ergonomie ainsi que des pratiques sociales associées aux usages. En raison de la prévalence des séismes, des cyclones et des épisodes violents qui frappent la capitale (balles perdues), il est en effet indispensable d’utiliser des matériaux de construction particulièrement résistants. La durabilité des infrastructures est garantie par :

L’implication des usagers (marchandes et autres acteurs des marchés) dans la gestion des infrastructures, pour permettre leur appropriation, gage de leur entretien dans la durée.

La vocation environnementale des infrastructures construites, permettant un meilleur traitement des eaux usées, une collecte et évacuation des déchets (pour prévenir les pollutions de l’environnement urbain).

Ce projet est suivi par Reginald Baussan, directeur de développement au sein de setec, à la fois parrain du projet et relai de la Fondation setec. Quand les conditions le permettront, Reginald se rendra en Haïti et pourra visiter les futures installations et échanger avec les intervenants du Gret présents sur place.